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Le Pélican zinzolin
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29 octobre 2016

Au temps où Marthe filait

Il était une fois, dans les contes de notre enfance, le Petit Chaperon Rouge qui portait dans la forêt un pot de beurre et une galette. Le loup l’aborde, lui tend un piège, la dévore et la mère-grand par dessus le marché ! On n’envoie plus les fillettes seules dans la forêt mais les loups marchent sur deux pieds... C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois, dans la ville de Hamelin, un joueur de flûte qui charmait les rats. On lui refusa son salaire, il enleva les enfants que l’on ne revit jamais. On dératise à la mort-aux-rats mais l’ingratitude est toujours là et les employés réduits à la portion congrue... C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois l’homme vert, le Drac, roi des oiseaux sur les remparts de Lectoure. Il courrait les prés et les taillis, pansait les chevaux, soufflait la bougie à la veillée, emmêlait la quenouille des vieilles endormies, jouait des tours aux orgueilleux, offrait des trésors aux miséreux. Il n’y a plus d’oiseaux, plus de chevaux, plus de veillées et les écologistes sont décriés... C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois le prince Riquet, si intelligent mais si laid, si laid, que seule une idiote l’aima. Cette princesse si sotte était belle, belle à en mourir. Il l’aima et devint beau ; elle l’aima et fut pleine d’esprit. Une histoire sans queue ni tête dans notre monde où la beauté et la jeunesse sont les seuls trésors reconnus. C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois la Belle au Bois Dormant qui se piqua à son fuseau. Elle dormit pendant cent ans pour se réveiller un matin au baiser du prince charmant. Quelle fille, de nos jours, resterait si longtemps demoiselle ? C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois Cendrillon, modeste et douce, qui habillait ses sœurs pour le bal sans espoir d’y aller avec elles. Une marraine, une citrouille, quelques lézards, deux petits souliers, voilà le prince éperdu d’amour ! Il n’y a plus de permission de minuit, plus de marraines fées, plus de cendres au foyer... C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Il était une fois Blanche Neige enfuie dans la forêt, se réfugiant chez les sept nains pour échapper à sa marâtre. Mais la sorcière la retrouve, l’empoisonne avec une pomme. Dans son cercueil de verre, elle attend elle aussi le prince charmant. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Est-il encore une jeune fille pour faire en chantant le ménage de sept vieux célibataires acariâtres ? Plus besoin de marâtre un peu sorcière, nos pommes sont empoisonnées aux pesticides dès le verger ! Et, contraception oblige, plus de famille nombreuse... C’était au temps où Marthe filait, matin et soir à son rouet.

Alors, mortes les fées ? mort l’espoir ? mort l’amour ? Non, puisque, avant de m’endormir pour cent ans et plus, en ressassant ces vieilles histoires, je pense encore au prince charmant, en filant comme Marthe filait, matin et soir à mon rouet.

07/09/2016

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