Si vous entrez à Monségur en venant de Duras,
Si vous entrez à Monségur en venant de Duras, vous voyez à votre gauche, au croisement de la route de la Réole, le buste d'un homme torse nu, très musclé, au visage déterminé et fier, à la barbe conquérante. C'est le docteur Rouhet :
Georges Rouhet, docteur en médecine, habitait Taillecavat, près de Dieulivol, au tournant du XIX° et du XX° siècles. C'était un fervent adepte de la culture physique qu'il pratiquait avec fanatisme.
Il se baignait tout les jours dans le Drop, allant jusqu'à casser la glace en hiver ! En 1907, le Dropt avait gelé sur plus de 7 cm. Voici, ci-dessous, deux cartes postales qui le représentent nageant entouré de blocs de glace gros comme des parpaings !
Au début de la Seconde guerre mondiale, il y eut aussi des hivers rigoureux. Il demanda à son fermier, monsieur Blanc, de casser la glace pour qu'il puisse s'y baigner. Né en 1854, il avait alors 85 ans bien sonnés !
Il comparait la culture physique à l'élevage des chevaux et a écrit un ouvrage intitulé : « Le pur-sang humain ».
Il s'est aussi occupé des chevaux (hélas pour eux !) et leur faisait faire des trucs bizarres : des exercices d'équilibre pour Germinal, comme vous le voyez ci-dessous, de la natation...
Germinal, une craie dans la bouche, écrivait au tableau le nom de son maître, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Il comptait également avec sa patte. Le docteur Rouhet disait qu'il aimait mieux enseigner aux chevaux qu'aux Gavaches car ils avaient plus de facilités d'apprentissage !
Sur cette autre carte postale, on peut voir la jument Carmen assise sur son train arrière devant une table à laquelle ont pris place le Docteur lui-même et son chien. Tous les convives ont la serviette autour du cou (un drap de lit pour Carmen !) pendant que la bonne, debout à côté, sert la soupe !
Le docteur Rouhet devait avoir des prix chez les éditeurs de cartes postales, si l'on en juge par le nombre de celles qui le représentent, lui, ses disciples, ses chevaux et ses chiens.
La statue que je vous ai montrée ci-dessus n'est pas la statue originale, fondue sous le régime de Vichy (1940-1945), mais une copie réalisée après la guerre. La première avait été érigée par souscription, c'est à dire avec l'argent d'une quête faite auprès de la population. On dit que le plus gros donateur fut... Rouhet lui-même ! Et chaque fois qu'il passait devant, il arrêtait son cheval, lui faisait faire une génuflexion pendant que lui-même ôtait son chapeau.
Le docteur Rouhet est mort en 1952, à 98 ans. Il est enterré en plein champ, sur ce qui fut ses terres, comme faisaient autrefois les propriétaires non-conformistes. Une tombe particulièrement vaste, même si l'on considère qu'elle comporte trois places : au centre, le Docteur, à sa droite, Germinal, à sa gauche, sa servante ! Cela montre la place qu'occupe la femme dans la famille du « pur-sang humain » : la première... après le cheval !!!
Le nom des animaux
Une drôle d'histoire, que celle des noms.
Savez-vous qui a donné leur nom aux animaux ? C'est le premier homme, Adam. Quand le Bon Dieu l'a créé, le sixième jour, il lui a présenté les animaux l'un après l'autre et Adam leur a donné un nom. Dieu a montré un animal avec des poils, des griffes, une queue et des yeux qui changent à la lumière ; Adam a dit : « chat » et le Bon Dieu a marqué dans son grand livre : « chat ». Le suivant était un animal qui tirait la langue et tendait la patte en remuant la queue ; Adam a dit : « chien » et le Bon Dieu a marqué dans son grand livre : « chien ». Et puis est arrivé un grand oiseau avec une longue queue qui faisait une roue au-dessus de sa tête. Mais le temps c'était détraqué et il menaçait de pleuvoir. Avant qu'Adam ait pu dire le nom de l'animal, le vent s'est mis à souffler et a fait craquer un pin . Vous parlez d'un bruit ! Adam a sursauté et oublié l'oiseau. Le Bon Dieu, qui était pas mal fier de cette bestiole, lui dit : « C'est quoi ? ». Adam croit qu'il parle du bruit et répond : « Pan ! » ; le Bon Dieu trouve que c'est un peu court pour un si bel oiseau. Il écrit dans son grand livre : « paon », avec un « o » pour que ça soit plus joli, et ils passent au cheval. Mais ce n'était pas le nom du paon ! Aussi, depuis cette époque lointaine, dès que le temps se met à la pluie et que l'orage menace, le paon nous rappelle l'erreur d'Adam en nous criant : « Léon, Léon ». Parce que son vrai nom, c'est Léon.
Et le canard ? Vous croyez qu'il s'appelle canard. Mais non. Un jour, je rencontre un canard qui me laisse approcher de lui. Je lui dis :
- Bonjour, t'es qui, toi ?
- Mec. Mecmec.
- Ah bon, tu t'appelles Mec ?
- Mec. Mecmecmec. »
Il me l'a répété jusqu'à ce que je le prononce correctement, puis il a fait demi-tour, a posé un petit caca et est parti. Si vous rencontrez un canard, pour éviter de le vexer, appelez-le par son nom. Il vous corrigera peut-être mais il vous en saura gré.
Histoire de Nini Caféine, chatte choyée chez mamie Chacha
Bonjour. Moi, c’est Nini Caféine. C’est comme ça qu’on m’appelle depuis que je suis arrivée dans la maison de mamie Chacha, il y a bientôt 6 mois.
Avant, on m’appelait « le chat » ou Minou ou « sale bête », enfin, je veux plus savoir. Parce qu’avant, c’était pas bien. Y avait des sales gosses qui me tapaient, des humains méchants qui hurlaient, un pauvre chien qui couinait sous les coups et me laissait dormir dans sa fourrure chaude. C’était pas bien, quoi, je veux plus m’en souvenir.
Un jour, une dame est arrivée, m’a mise dans une boîte et j’ai atterri à la sortie de la boîte dans les grandes mains de mamie Chacha.
Au début, il a fallu la dresser, mamie Chacha, lui apprendre ce que je n’aimais pas : les câlins de trop près, les approches furtives, les réveils brutaux. Et j’avais peur, je n’avais plus mes repères, je n’avais plus le chien pour me consoler. Alors, je la mordais, je la griffais, je sautais partout et je faisais tomber des trucs. Exprès. J’attaquais aussi les autres habitants de la maison, les chats - je vous en parlerai plus tard.
Alors, je croyais qu’elle allait me taper, puisque c’est toujours comme ça que ça finissait avec les autres humains. Mais non. Pas avec elle. Elle me regardait d’un air triste, elle me disait : « Caféine (Caféine, c’est le nom qu’elle me donnait, je sais pas pourquoi…) Caféine, disait-elle, ton comportement est inadapté ». Elle m’amenait dans « ma chambre » un endroit où elle va juste le matin et les autres chats encore moins souvent, elle fermait la porte et me laissait là un grand moment. J’étais au calme et, quand elle venait me chercher, j’étais contente de la voir.
J’aime bien ma chambre. Il y a un panier à linge, des tuyaux d’où sortent de l’eau et de drôles de bruits, un coussin doux-moelleux-doudou, une kaissacrotte, une brossachat, des flacons, des odeurs de savon, du linge qui sèche et, souvent, le matin, elle enlève ses vêtements, se ferme dans un coin et elle se fait couler de l’eau dessus. Ils ont de ces idées, les humains ! Et puis, aussi, c’est dans ma chambre qu’elle met ma gamelle, le soir. Il paraît que j’empêche les autres chats de manger tranquille. N’importe quoi ! Je veux juste savoir si leur bouffe est la même que la mienne, quoi !
C’est pas grave, j’aime bien ma chambre. Je suis la seule de la maison à avoir la mienne. Ca doit être parce que je suis la plus mignonne…
La nuit, je squatte le lit de mamie Chacha. C’est comme un grand coussin mais, en plus de mamie Chacha, on y tient à quatre – cinq facile. Moi, je me tiens souvent sur l’oreiller, celui où elle ne met pas sa tête. C’est doux et ça tient chaud.
Contre elle, souvent, il y a Picasso. Picasso, Pika pour les intimes, elle est noire comme moi mais avec un pinceau blanc au bout de la queue, d’où son nom, et des poils blancs dans l’oreille gauche. Pika, elle sait y faire avec mamie. Elle s’intéresse à tout ce qu’elle fait : elle prend le stylo de mamie pour essayer d’écrire, elle fait sonner le gong, elle fait semblant de lire avec mamie. Même des fois qu’elle fayotte un peu trop. Elle se glisse dans le lit et ronronne jusqu’à ce que mamie dorme. Ou elle se couche sur elle et lui passe une patte autour du cou. Et l’humaine, la gourde, elle gobe ça tout cru et elle est contente, contente… Pour un peu, elle ronronnerait !
Sur le lit, parfois, la nuit, il y a Shu. Shu, ou Sushi pour l’Etat Civil (quoi que puisse être un Etat Civil), est la sœur de Pika. Elles sont nées ici, dans la maison même, d’une chatte sauvage qui trouvait qu’une maison où la nourriture était abondante était le meilleur endroit pour faire ses petits. D’ailleurs, elle ne s’est pas embêtée longtemps avec sa progéniture et elle est repartie, trois – quatre semaines plus tard, en laissant les 3 bébés aux bons soins de mamie Chacha. Oui, il y avait aussi un p’tit gars, Ernesto, mais mamie n’aime pas en parler. Ses yeux se mouillent quand elle pense à lui… Donc, Shu est noire elle aussi. Avec un peu de blanc dans l’oreille droite et un petit bikini blanc très seyant. Elle dort le plus souvent sur le dos pour exhiber son bikini. Et Shu, elle aime les légumes et les fruits. Quand mamie prépare du céleri par exemple, elle se roule dans les épluchures pour se parfumer. Et puis, elle mange avec mamie des carottes rapées, ou du melon et plein d’autres trucs pas bons.
Sur le lit, il y a aussi souvent Titi. Mamie dit que Titi est « écaille de tortue ». C’est une couleur de poil où toutes les couleurs se mélangent : roux, crème, gris, noir… En fait, Titi, on dirait qu’elle a deux pelages à la fois : un tigré gris-blanc-noir et un tacheté roux-crème. Ou le contraire. Le roux-crème est plus long d’ailleurs, ce qui lui fait une drôle de crête sur la tête.
Titi, c’est un cadeau de Fête des mères. Fanny, la grande humaine qui vient souvent voir mamie Chacha (elle l’appelle Mamanchérie, elles se font des bisoux et parlent de nous en buvant du café) lui a offert Titi un jour, en cadeau. Parce que Titi était née chez des gens qui, au lieu d’opérer leurs chats dans leur jeune âge, préfèrent en limiter le nombre en assassinant les bébés chats à leur naissance. Les humains sont si barbares, des fois. Enfin, Titi a échappé au massacre et, quand elle est arrivée ici, elle était si petite que mamie la coinçait entre deux pelotes de laine pour qu’elle soit au chaud ! Bref, j’aime bien Titi. Souvent, je lui fais la course, on s’amuse bien mais elle se lasse vite et me pfritte. Alors, je vais embêter les autres. Ou mamie.
Sur le lit, la nuit, parfois, il y a Pitou qui déboule comme un maboul ! Il se jette sur mamie, se laisse tomber sur elle de tout son poids et passe une heure ou deux tellement collé contre elle que, des fois, elle a même plus de couvertures sur elle ! Pitou, au début, son nom complet, c’était « le petit Pitou piteux ». Ca tient à ses conditions d’arrivée ici. Un jour, mamie Chacha rentre de « la Filature ». Je sais pas c’est quoi, la Filature, mais des fois, mamie Chacha monte dans sa voiture, tourne au bout du chemin et elle revient des heures après. Elle rapporte de la Filature une drôle d’odeur sur elle, l’odeur d’un chien sympa, et des tas de pelotes de laine douces et colorées, qu’elle transforme en pulls, en doudous, en vestes, en châles. Elle appelle ça « tricoter ». Nous aussi, on aime bien tricoter. On attrape un bout de son ouvrage entre les dents et vas-y qu’on te pattoune ça à pleines griffes ! Tu croirais qu’on va le mettre en charpie et bien non, même pas. Quand on a fini, c’est juste un peu mouillé et ça garde notre odeur. La spécialiste du tricot, c’est Pika. Elle arrive à tricoter avec ses pattes un truc que mamie Chacha, à l’étage au-dessus, est en train de tricoter avec ses aiguilles !
Mais revenons à notre propos.
Donc, mamie Chacha revient de la Filature et, à cette époque, bien avant mon arrivée, il y avait ici Léo, un jeune chat handicapé qui a beaucoup souffert et demandait beaucoup de soins. Mamie l’amène dans ma chambre, qui n’était pas encore ma chambre puisque je n’étais pas là. Vous suivez ou je recommence ?
Mais je m’égare. Du Nord.
Donc, mamie met Léo dans la salle de bains. Elle lui donne un médicament dans un peu de pâtée et, pendant qu’il mange, un bruit se fait entendre derrière elle, sous la machine à laver. Elle dit à Léo : « Ne t’inquiète pas, j’ai dû toucher quelque chose avec le coude ». Et là, Léo lui a lancé un regard si parlant qu’elle a lu comme dans un livre : « Mais qu’ils sont benêts, ces humains ! Regardes-y donc, gourdasse ! » Elle a regardé. Sous la machine à laver, elle a vu un jeune chat juste sevré, qui avait une grosse peur de ce gros animal sans poil et qui avait une si grosse voix ! Il n’avait pas confiance du tout, le greffier ! Alors mamie l’a laissé tranquille, lui a filé une gamelle à intervalles réguliers (y faut lui reconnaître ça, à mamie Chacha, la gamelle est abondante, servie à horaires réguliers et les croquettes ne manquent pas !) et Pitou s’est tapé l’incruste. Mais il ne faisait pas son fier devant l’humaine et c’est pourquoi elle l’a baptisé « le petit Pitou piteux ». Après, Titi s’est occupé de lui, a joué les petites mamans et, un jour où ils se câlinaient sur un coussin moelleux, elle a retenu Pitou par le cou pour que mamie puisse le caresser. Et c’est depuis ce jour qu’ils s’entendent si bien, mamie et Pitou.
Et maintenant, son nom complet, c’est « le petit Pitou pas piteux du tout ».
Quand je suis arrivée, Pitou, il a fait un truc sympa mais qui ne plaisait pas à mamie. La nuit, il rapportait des proies de dehors, des souris, des trucs comme ça. Il poussait de petits cris pour que j’entende bien. Il lâchait les proies dans ce coin que mamie appelle « cabine de douche » et où elle joue tous les jours à « il pleut il mouille ». Et là, lui et moi, on leur faisait leur fête, aux souris, mulots, taupes et autres oiseaux. C’était sympa, de la part de Pitou. Ca partait d’un bon sentiment. Mais mamie n’aimait pas ça du tout alors on a arrêté. Et puis maintenant, grâce à lui, je sais chasser, moi aussi. Mais c’est plus facile de chasser les croquettes.
Ah ! J’allais oublier ! Sur le lit, aussi, « last but not least » comme disent les british cats, il y a souvent Moemie.
Moemie, c’est la commère de service. Curieuse comme un pot, elle ne sort sur la terrasse que du bout des pattes, lors d’un grand événement comme la venue de Mistigri, dit le Vieux, dit le Barlafré, matou sauvage de son état. Mamie lui file des croquettes dehors et heureusement, sans quoi le mastard rentre par la chatière et vient se servir dans notre gamelle à nous ! La nôtre, quoi ! Quelle outrecuidance, ces vagabonds sans feu ni lieu ! De nos jours, les gueux ne savent plus rester à leur place !
Bref, Moemie sort peu. La dernière fois qu’elle est sortie, je crois, c’est quand elle est arrivée ici avec mamie Chacha, Fanny et un autre humain dont elle parle parfois avec Nounou et Natton, un certain Klaus. Qu’a-t-elle fait quand elle est sortie dans le vaste monde, Moemie ? Je ne sais pas mais ce dut être épique : elle y a laissé le bout d’une oreille ! Et c’est pas elle qui va le raconter : elle est retombée en enfance. Elle a toujours le regard un peu vide, elle colle tous les humains de passage, Fanny, Cyrille, Fabienne, Frédinette et les autres (Maryse moins mais quand même), elle se fait caresser, gratouiller et, pour les remercier, leur croque un doigt !
Elle fait des trucs bizarres, Moemie, comme d’aller à la kaissacrotte, de monter dedans et de lâcher la grosse commission… à l’extérieur. Ou de faire la petite commission sans même aller jusqu’à la kaissacrotte. Mamie a beau mettre des serviettes et laver souvent, ça l’affiche mal !
Et puis, Moemie mange, mange, mange et rejette le tout ! C’est pas Moemie qu’il faudrait l’appeler, c’est Vomito !
D’ailleurs, pendant longtemps, elle ne s’appelait pas Moemie. Elle s’est appelée Speedy Gonzales du temps qu’elle courait partout, puis Lapetite du temps qu’elle était pas grosse. Fanny l’appelait Moumie avec un U après le O mais mamie n’était pas satisfaite et disait : « Non, ce n’est pas son nom. » Or, figurez-vous que notre bon docteur, Carine, est Belge. Et, pour la première visite de Moemie chez le Dr Carine, Marioline, l’amie hollandaise de mamie, les accompagnait. Voilà Carine et Marioline qui parlent en néerlandais et, sans y faire attention, le Dr Carine écrit son nom à la mode battave, avec un E à la place du U. MOEMIE. Et mamie était très heureuse car, disait-elle, ce nom-là était bien le nom de ce chat-là.
Donc, Moemie est une grosse vieille demoiselle qui s’oublie dans les coins et soigne son estomac d’une manière discutable.
Récapitulons. Sur le lit de mamie Chacha, nous avons rencontré, outre moi-même, Nini Caféine (figurez-vous que le Dr Carine voulait que je m’appelle Cocaïne, soi-disant que je serais une petite personne trop agitée pour m’appeler Caféine. Heureusement, mamie a opposé au véto son veto !) : Pika, Shu, Titi, Pitou et Moemie.
Il me reste à vous présenter les deux gars roux, Nounou et Gros Natton. Ils sont frères et viennent rarement sur le lit. Je crois qu’ils préfèrent avoir vue sur l’extérieur ou, à tout le moins, sur l’entrée des artistes, la chatière.
Nounou, c’est le chat de Fanny au départ. Natton, c’est le chat de Christophe, un humain bâti comme un frigo et qui vient parfois voir mamie et Natton. Fanny et Christophe, qui étaient amoureux, avaient adopté 2 chattons de la même portée pendant leur année de Terminale et, quand ils sont allés à la fac à Toulouse, ils ont amené leurs deux chats avec eux. Natton, ça lui allait plutôt bien. Y avait des coussins et des câlins, de la bouffe et une kaissacrotte propre, ça lui allait. Mais Nounou ! Neurasthénique, il est devenu, le Noun, neurasthénique ! Il a perdu son poil, il a laissé sa queue pendre derrière lui (je vous ai parlé de la queue du Noun ? Non ? J’y viens, j’y viens), il paraît même qu’il a essayé de s’enfuir par la fenêtre du 4ème étage. Mais en bas, il n’y avait que du goudron, des voitures et des gens qui passaient. Il y a renoncé. Alors, aux vacances de Noël, Nounou et Natton sont revenus chez mamie Chacha. Et ils y sont restés. Même que Noun, il est vachement remonté contre Fanny. Il ne vient la voir que si elle reste assez longtemps, style deux – trois jours, des fois qu’elle voudrait encore l’emmener à Toulouse.
Le Noun, je l’aime bien. Je lui fais la course. Il me pfritte pas mais il va trouver mamie et se fait accompagner jusqu’à la gamelle à croquettes. Mamie me tient tout le temps qu’il mange parce que j’aime trop jouer avec le Noun, à pousse-toi-de-là-que-je-m’y-mette. Ou elle me met dans ma chambre et j’aime bien, aussi.
En fait, j’aime bien mamie. Je fais mine que je vais lui arracher les doigts, je sors griffes et dents, je pédale sur ses mains avec les deux pattes de derrière et elle me pfritte même pas. Juste elle me parle doucement et, si je tarde à ma calmer, elle me dit que mon comportement est inadapté et elle me met dans ma chambre. Et puis, elle fait un truc que j’aime beaucoup beaucoup. Quand je squatte son fauteuil (il est doux, il est mou et il sent son odeur), elle arrive, je fais semblant de dormir. Elle glisse sous moi ses deux mains, elle écarte bien ses doigts et elle me soulève comme ça, sur ses deux mains, et elle me pose délicatement sur un autre coussin. Et moi, je fais semblant que je me réveille juste et que je suis étonnée d’avoir changé de place.
Mamie, elle est toute contente et moi aussi, parce que j’aime bien mamie.
Pour en finir avec le Noun, il a une queue. Il est tigré blanc et crème et il a une queue. Comme tous les chats, direz-vous. Et bien non ! Il a la queue la plus extraordinaire de toutes les queues de chats ! Elle est courte, la moitié à peu près de celle de Pika ou de Shu (la mienne, exagérément longue, ne peut servir d’étalon de mesure) et se termine par un pompon de soie blanche et crème du plus bel effet ! Enfin, comble de raffinement, il la porte ordinairement rabattue sur le dos, à la manière de ces chiens orientaux, les Sharpei ou les Chow-chow. Quand la queue de Nounou pend derrière le Noun, c’est qu’il est bien malheureux. Comme le soir où il a voulu attraper une chauve-souris mais qu’il a dû y renoncer. Et quand il était à Toulouse. Je ne connais pas Toulouse mais je n’aime pas du tout. Pas du tout du tout. Mamie, on ira jamais à Toulouse, dis ? Mais non, je sais qu’on n’ira pas. J’ai confiance en mamie, maintenant.
Et puis, il y a Gros Natton. D’abord, il est gros. Très gros. Et puis il est roux et blanc, d’un roux proche de la flamboyance. Et puis il a un pelage très long, très fourni, avec une queue comme les plumes d’Ibis que les Egyptiens mettent sur la tête des dieux. Natton est l’incarnation sur cette terre de Bastet.
Natton, c’est un peu notre grand frère.
Il est amical envers les humains et les chats qui vivent ici.
C’est lui qui a accueilli Titi quand elle est arrivée et lui a permis d’oublier sa famille et sa vie d’avant.
C’est lui qui distribue bisoux et petites tapes quand on attend la gamelle et qu’on s’agite un peu trop.
C’est lui qui mène un barrouf d’enfer quand un étranger comme Mistigri veut investir la place. Mais c’est lui le premier qui lui a offert le calumet de la paix quand mamie l’a accepté sur la terrasse, en allant poser son nez orange sur le nez rose de Mistigri.
Natton, c’est une boule de tendresse. Il rentre et sort 20 fois par jour, toujours par la porte quand mamie est là, il la regarde de ses immenses yeux d’or rouge et il lui parle doucement, jusqu’à ce qu’elle le prenne dans ses bras et lui fasse un câlin et un bisou.
J’aime bien Gros Natton.
J'aime bien les autres chats.
J’aime bien mamie.
J’aime bien la vie que je mène ici.
Ca doit être le paradis.
Je vous laisse, j’ai une sieste qui m’attend, là-bas, sur le lit de mamie Chacha.
Fait à Saint-Cyprien, le 14 mai 2020
A la mémoire des chats que j’ai aimé et qui m’attendent de l’autre côté :
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X, petit chat noir écrasé par la camionnette du poissonnier à Mongauzy
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Mine, la chère compagne de mon enfance, qui me consolait si bien de mes chagrins
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Nounou, faux siamois sans queue qui fut l’ami de Mine
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Antinoüs, chaton roux qui vécut si peu de temps
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César, le chat de ma dernière année à Bordeaux
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Nenette, chatte noire née à Balezy, avec sa sœur Monelle et son frère. Nenette, nous avons donné tes frère et sœur et nous avons choisi de te garder parce que tu avais moins de personnalité qu’eux et que tu courrais un grand danger. Nous venions d’adopter à l’époque une chienne qui déchiquetait les chats, une magnifique Chow-chow qui avait beaucoup souffert avec ses anciens maîtres. Quand on vous a présentées toutes les deux, nous craignions le pire mais tu as été adoptée tout de suite par Alexie et vous avez été les meilleures amies du monde. Tu as été une adorable compagne pour nous aussi et pour Fanny.
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Plume, le même que Natton mais en gris et blanc. Plume, qui aimait la compagnie et nous a permis d’agrandir la famille féline.
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Mouche, chatte sauvage que Plume avait prise en amitié,
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Bouboule, blanc de neige, fils de Mouche, que des touristes ont emporté avec eux et balancé à quelques kilomètres de là. Il n’a jamais pu retrouver son chemin mais nous l’avons croisé un jour, dans le jardin d’amis communs,
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Marius, petite fille trouvée dans une haie et qui a choisi, en arrivant ici, de reprendre sa liberté. Elle revenait chercher nourriture et tendresse et repartait. Elle est revenue vers moi pour ses derniers jours.
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Félix, compagnon de Marius et chat sauvage. Il n’est venu vers moi que pour finir sa vie.
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Grisette, qui m’a donné 3 beaux bébés
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Ernesto, le frère de Shu et Pika
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Léo, pauvre chaton laissé pour mort par des chiens, paralysé de l’arrière-train, à qui les humains n’ont pas fait la grâce d’une mort sereine. Il a courageusement appris à utiliser à nouveau ses pattes arrière mais n’a jamais retrouvé le contrôle de ses excréments. Il a fallu lui enlever la queue qu’il trainait comme un poids mort. Il a souffert deux ans jusqu’à ce que ses reins ne répondent plus. J’ai fait ce que j’ai pu pour le soulager mais il me reste une grande tristesse.
-
Et tous les autres, les anonymes ou ceux que j’oublie, ceux qui ont croisé ma route et m’ont fait l’offrande de leur petite tête pour un câlin.
Merci à vous tous, vous m’avez offert le plus beau cadeau qui soit, celui de l’amour inconditionnel.
Le travail de Sisyphe
Le travail de Sisyphe,
C'est toute mon enfance,
C'est toutes les enfances.
Ce sont quinze ou vingt ans
Que l'on nous fait passer
Dans une école grise
Pour apprendre la Vie,
Ou ce qu'on nous en montre.
Ce sont les jours semblables
Qui succèdent aux jours.
Le lever bien trop tôt
Dans un petit jour gris.
Le long trajet en car,
Toujours les mêmes têtes.
Et puis les longues heures
Sans prononcer un mot,
A apprendre des trucs
Qui ne serviront pas.
Et la gaieté forcée d'une récréation.
Un déjeuner hâtif,
Souvent mal préparé.
Et les heures d'étude
A ne pas travailler,
A jouer aux tarots
Ou bien à s'ennuyer.
Les mille camarades
Que l'on appelle amis
Pour ne pas rester seul.
Les révisions du soir
Sous une lampe jaune.
Les nuits souvent trop courtes
Peuplées de rêves d'or.
De nouveau le matin,
Une journée de plus,
Cela pendant quinze ans !
Dire que c'est cela
Que l'on regrette après !
Le beau temps de l'enfance !
Le travail de Sisyphe !
1974
Matin frisquet
Le réveil sonne.
Tu tends la main hors du lit, la ramènes glacée
Sous la couette où tu t'attardes à rêver.
Tu te lèves, déjeunes dans l'aube grise ;
Tu t'habilles, maillot, chandail, tricot,
Pantalon chaud, bottes fourrées,
Manteau, châle, bonnet, mitaines.
Tu sors, le soleil point.
Tu ouvres ta voiture,
Tu te glisses dans ce palais des glaces,
Froid et obscur comme la mort.
Le moteur tousse, râle mais démarre.
Tu recules lentement, à l'aveugle, hors de l'ombre, de la nuit,
Vers le chemin, le matin, le soleil.
Sa lumière traversant, blanc vitrail, le givre des fenêtres,
Devient nacre, opaline, diamant.
Tu sors, raclette en main.
Tu fais jaillir des tornades de neige impalpable,
En traçant ton chemin sur les glaciers intacts.
Tu dessines sillons, volutes, roses,
Et le nom de l'Ami qui habite ton cœur.
Le ciel est d'un bleu vif, pur, un ciel d'été,
Le soleil habille de perles les herbes du chemin.
Ton haleine souffle un tourbillon dense
Et la joie dans ton cœur pousse un cri de triomphe.
21/01/2017
Plénitude
Se réveiller au coeur de la nuit.
Tendre la main vers vous.
Caresser l'absence.
Et ressentir, plus fort que le chagrin de ce qui n'est plus,
L'immense gratitude pour ce qui fut.
10/01/2017
Le bal costumé
Texte de l'atelier d'écriture, le sujet et le costume étant imposés.
Vêtue de ma robe orange bien empesée, tombant jusqu'aux pieds, je dois manœuvrer pour passer la porte. A l'huissier qui me demande mon nom, je réponds : « Mandarine Clément » et c'est sous cet alias que je rentre dans la salle de réception illuminée a giorno et remplie de gens costumés.
Sur mes petites chaussures noires, je trottine vers le buffet où trône une pyramide d'oranges. Des laquais grand siècle, de petits marquis, des fées, des princesses me frôlent, me côtoient, me bousculent. Un serveur me propose un verre. « Curaçao, pour moi, s'il vous plaît ». La liqueur sucrée, au goût d'orange, me ravit le palais, je desserre un peu le foulard vert qui, sur le côté de mon costume, pose une pointe, comme une feuille.
L'orchestre, un quatuor de musiciens vêtus en animaux de la ferme, vache, cochon, chien, coq, attaque une valse.
J'ouvre le bal aux bras d'un sapin de noël que je laisse en plan après qu'il m'eût demandé de vérifier si ses boules étaient bien accrochées. Je fais quelques tours de piste avec un paquet cadeau qui essaie de m'emballer en me priant de le déballer dans un coin sombre. Je danse un menuet avec un homme sandwich aux crudités (ses propos aussi z'étaient crus et ses paroles z'osées) ; une samba endiablée avec un diablotin ; un galop effréné avec un grand cheval qui ronge son frein et je finis la soirée avec un père noël gourmand qui me propose de m'éplucher sans me faire de quartier. Il ne sait pas, le pauvre, qu'il risque d'avoir des pépins !
16/12/2016
Oh ! Le con !
Bon, on ne va pas se mentir, on en connaît tous un ou deux comme ça. Et je suis gentille. Audiard disait d'eux : "les cons, ça ose tout. C'est d'ailleurs à ça qu'on les reconnaît". Mais comment les définir ?
Par une simple constatation :
Il est con comme un balai, couillon comme la lune.
Il est pas fini.
Il n'est pas tout seul dans sa tête.
Il est fada, il est habité.
Il a un pet au casque.
Il est pêté.
Il est petelé.
Il est timbré.
Il est fêlé.
Il est pas fûté, il est pas fufute.
Il est débile, mangane, tabaïo.
Il est fondu, il est allumé, il a fondu les plombs.
Il est simplet, benet, innocent.
Ché t'in innochin. (Ch'ti)
Qu'es un paou couilloun. (Oc)
Il a pas tous ses fagots à l'abri.
Y a la lumière, mais y a personne à l'intérieur.
Y a personne à l'intérieur et y a même pas la lumière.
Il est fin comme du gros sel.
Il travaille de la cabucelle.
Il a la comprenette dépontelée.
Il est bouché comme le tunnel de Fourvières un vendredi soir.
Il a deux oreilles mais rien au milieu.
Par une image de métier :
Il a plus l'air d'un couillon que d'un moulin à vent.
Il lui manque une tuile au faîtage.
Il a du mal à réunir ses pièces.
Il a l'esprit pointu comme le fond d'une cuve.
Par analogie avec un animal :
Il casse pas trois pattes à un canard.
Il a encore la coquille au cul.
Il a l'esprit là par où les poules pondent.
Il est bête comme une oie qui couve debout.
Il est nigaud comme la brebis qui se confesse au loup.
Il est dégourdi comme un poisson sur la paille.
Il a le frelon qui se cogne au carreau.
Par l'étendue de ses capacités intellectuelles :
Il a le QI d'une huître.
Il a pas inventé l'eau chaude.
Il a pas inventé la poudre.
Il a pas inventé le fil à couper le beurre.
Il a pas inventé le bouton à cinq trous.
Il a pas inventé la machine à faire friser la salade.
Il a pas inventé la machine à faire courber les bananes.
Il a deux mains gauches, il a les mains pleines de pouces (désigne d'avantage un maladroit qu'un con véritable).
Il irait chercher de l'eau dans un panier.
Il irait porter de l'eau à la fontaine.
Il ne trouverait pas d'eau dans le Rhône.
Il va aux moules quand la mer monte.
Par l'origine de sa disgrâce :
Lors de la distribution, il était derrière la porte (ou derrière un pilier).
Il a été trempé à l'urine, démoulé trop tôt et éteint à coups de pelle (dixit un ferronnier).
Quand il a divorcé de son cerveau, il a pas obtenu la garde des neurones.
Il a été bercé trop près du mur.
Il est pas brillant. Juste un peu surexposé.
Ca sent l'accident de poussette sans casque.
Il a été démoulé avant la fin de la cuisson.
Il lui manque un bouillon.
Il est allé à l'école derrière les buissons.
Et je terminerai comme j'ai commencé, en laissant la parole à celui qui en a parlé le mieux :
Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon. Y serait à Sêvres. (Audiard)
On lui ferait une radiographie d'en haut du crâne, on verrait les semelles des chaussures. (Audiard)
Et, comme dans les films, toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne saurait être le fruit du hasard...
Post scriptum : Comme, en cette matière, l'inspiration est éternelle et ses sources infinies, voici de nouvelles expressions :
Il est chauve à l'intérieur.
Il a appris à colorier tard.
Chats
De ceux qui me suivent dans mes balades
A celles qui couvent mon clavier
De celui qui chauffe au soleil
Sa bedaine d'eunuque béat
A celui qui met tout le monde d'accord
De celle qui dort dans l'armoire
Parmi mes dessous et mes dentelles
A celle qui vivait sous les voitures
De celle qui m'a choisie
A celle qui me fuit
De celle qui ne quitte pas mon lit
A celui qui dort sur le buffet
De celle qui mange mes pois chiches
A celle qui pilonne mes tricots
De ceux qui dorment ensemble patte dessus patte dessous
A ceux qui s'ignorent fièrement dans le meilleur des cas
De ceux qui méditent sur la vacuité
Devant la gamelle vide
A ceux qui font des sermons
Sur la vanité des choses de ce monde
Des yeux rubis aux yeux topaze
En passant par l'opale et l'émeraude
Des poils gris aux poils roux
Du blanc pur à toutes les nuances de gris
En passant par la curieuse bigarrure
D'une fourrure roux et beige tigrée de noir
De la queue en panache du mousquetaire du roi
Au fier pompon du curieux de service
D'un nez rose au nez gris
En passant par le nez couleur brique
Le nez bleu d'un siamois
Le triangle noir sur un nez rose
Chats mes amis mes petits mes frères
Chats boudeurs chats râleurs
Chats tendres chats câlins
Mes chats
Je vous aime.
25 avril 2015